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...La curiosité me pousse à profiter de la liberté de ce dimanche pour connaître l'aménagement de l'Hôpital militaire installé à la clinique du Dr Lardennois (angle de la rue Coquebert et de la rue de Savoye) où mon beau-frère, P. Simon-Concé, est gestionnaire. Dans cet établissement sont soignés actuellement 17 malades ; il ne s'y trouve pas encore de blessés quoique Reims, où il existe plusieurs hôpitaux temporaires de territoire et de nombreux hôpitaux auxiliaires, en reçoive journellement.

A ce propos, il est à noter que le drapeau de la Croix-Rouge flotte à l’École ménagère, place Belle-Tour, à la Bourse du Travail, boulevard de la Paix, au Lycée de garçons, rue de l'Université, à l’École des Arts, rue du Barbâtre et à la Communauté de l'Enfant-Jésus un peu plus loin ; on le voit encore à l'ancien lycée de jeunes-filles, également rue de l'Université, sur les différentes cliniques et sur nombre d'autres établissements divers ou maisons particulières. (Albert Duchenoy est planton - civil en raison de son jeune âge - à la clinique Lardennois ; de même, mon fils Lucien est de service continuellement à l'Hôpital auxiliaire installé à l'angle de la rue des Trois-Raisinets et de la rue de Mâcon, dans l'immeuble à la disposition des religieux franciscains).

Au soir, passant par la gare, je vois transporter quelques blessés sur des brancards, à la descente d'un train et, en m'en revenant, je m'arrête sur la place de l'hôtel de ville, pour essayer de lire le communiqué; l'affluence est telle, devant la dépêche, que les gens qui se pressent ne peuvent pas en prendre connaissance. La teneur de ce communiqué est donnée par un concitoyen placé au premier rang, qui a la bonne idée de le lire à haute et intelligible voix, pour tous. Il y est dit que l'on envisage l'imminence d'une action considérable, susceptible de se développer sur un front de 400 kilomètres, de Bâle à Maëstrich. Cette dépêche recommande la confiance ; cependant, elle me semble préparer en quelque sorte l'opinion, pour le cas où, sur un point ou un autre, il surviendrait un revers. Mon impression, en retournant à la maison, sans avoir écouté les conversations animées, est que la grande bataille dont on parle comme pouvant durer une huitaine de jours est déjà commencée - et je rentre tout rêveur.

Paul Hess dans La vie à Reims pendant la guerre de 1914-1918, notes et impressions d'un bombardé 
16 août 1914
16 août 1914

Dimanche 16 Août 1914.

Encore une semaine de passée. J’ai reçu une lettre de toi. Tu penses si je me suis pressée d’acheter le journal tous les jours. On nous y annonce des victoires, tant mieux.

A Reims la troupe commence à arriver. A la ferme Demaison, il y en a beaucoup. Ils se fournissent chez nous pour le vin et la bière. Mme Millet, rue de Nogent, avait été leur faire ses offres mais elle leur a vendu trop cher et le chef leur a défendu d’y aller.

 Il y a aussi des soldats avec les autos qui sont sur le boulevard depuis chez maman jusque route de Cernay. Ils viennent beaucoup chez nous. Il y a entre autre un gros épicier de Paris avec un camarade qui m’a demandé si je voulais leur faire le café matin et soir. Il  m’a donné quelques renseignements sur le commerce. D’abord sur les pâtes Rivoire il y a un bon tiers à gagner et il m’a dit qu’il avait commencé sans un sou et qu’aujourd’hui il avait « amassé ». Aussitôt la guerre, il se mettra en correspondance avec toi.  Et tu sais, de tous ceux qui viennent, jamais un soldat ne m’a manqué de respect. L’inspecteur comme je t’ai dit sur les lettres vient tous les deux jours. Il s’intéresse à tout et il est très gentil.

Tiens, M. Sauviron est venu, croyant te voir encore pour te faire ses adieux. Il ne va pas au feu. Il a de la chance. Il s’est marié la semaine dernière avec Mlle Bocquillon.

Enfin, encore une semaine … Bons baisers mon Charles et à bientôt.

Hortense Juliette Breyer (née Deschamps, de Sainte-Suzanne) - Lettres prêtées par sa petite fille Sylviane JONVAL

De sa plus belle écriture, Sylviane Jonval, de Warmeriville a recopié sur un grand cahier les lettres écrites durant la guerre 14-18 par sa grand-mère Hortense Juliette Breyer (née Deschamps, de Sainte-Suzanne) à son mari parti au front en août 1914 et tué le 23 septembre de la même année à Autrèches (Oise). Une mort qu'elle a mis plusieurs mois à accepter. Elle lui écrira en effet des lettres jusqu'au 6 mai 1917 (avec une interruption d'un an). Poignant.(Alain Moyat)

Il est possible de commander le livre en ligne

Tag(s) : #Paul Hess, #Juliette Breyer, #1914
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