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Les Allemands sont toujours à nos portes, le canon qui a repris au petit jour ne cesse de gronder. A dix heures ½ du matin les batteries qui nous environnent ayant probablement été découvertes, une grêle d’obus s’abat dans notre direction. Nous ne nous sentons plus en sécurité chez nous aussi repartons-nous à nouveau chez mon père. A cinq heures du soir nous retournons chez nous, il n’y a pas de dégâts mais le canon continue à nous assourdir. Nous retrouvons le pot au feu que nous avions dû laisser en plan le matin. Après avoir soupé nous nous couchons au bruit des mitrailleuses et des fusils.

Vendredi 25 avait lieu place Amélie–Doublé, à coté de la maison bombardée, les obsèques d’un jeune homme décédé depuis près de huit jours. Une fois déjà on avait tenté de le transporter au cimetière du Faubourg de Laon mais le cortège avait dû rebrousser chemin sous la mitraille et le corps avait dû être ramené au domicile mortuaire.

Gaston Dorigny
Place Amélie-Doublié (avant 1914)

Place Amélie-Doublié (avant 1914)

La famille enlevant des provisions, retourne, dès le matin à l'endroit où nous nous trouvions hier.

Nombre de Rémois profitant du beau temps, quittent ainsi la ville, chaque jour, pour aller respirer le bon air dans les champs, en sécurité, plutôt que de s'enfermer dans les caves. Après avoir travaillé jusqu'à 11 h, à mettre mes notes à jour, je vais rejoindre tout le monde pour le déjeuner puis, nous partons, mon beau-père, les enfants et moi, dans la direction d'Ormes. Tout le long du trajet, nous pouvons examiner les tranchées, les divers travaux exécutés sur cette partie du champ de bataille où s'est déroulée, les 11 et 12 septembre, l'action devant Reims.

La commune d'Ormes est remplie de troupes.

Sur le chemin du retour, rencontré M. H. Jadart, conservateur de la bibliothèque, indigné et attristé du traitement que nos ennemis font encore subir à notre pauvre ville, car il est possible, comme la veille, de suivre de l'endroit où nous sommes, leur œuvre de destruction systématique. Avec une profonde douleur, nous voyons tomber les obus principalement du côté de Saint-remi et du Parc Pommery.

Le duel d'artillerie, pour ainsi dire ininterrompu depuis le 13, continue.

Paul Hess dans La vie à Reims pendant la guerre de 1914-1918

A 6 h. Reprise de la canonnade, toute la matinée. Quelques bombes dans la ville. Visite à M. le doyen de St-Jacques, aux Auxiliatrices, à tous les blessés de la clinique Roussel.

2 h 1/2 - Visite du quartier Sainte-Geneviève (Porte de Paris). Accompagné de M. Camus. Arrivé au pont, pour me jeter dans le premier groupe d'hommes que je rencontre. Surprise : Ah ! c’est vous Monseigneur. Ah ! c'est bien ce que vous faites là. Vous venez nous consoler : nous en avons bien besoin. Et tous me serrent la main : l'un d'eux fait toucher sa montre à mon anneau. Je donne des médailles aux petits enfants. Les hommes eux-mêmes en demandent. je mets deux heures à aller du pont à la Porte de Paris, allant de groupe en groupe, et causant à tous, en leur prenant la main. La glace est rompue. L'accueil est aimable de la part de tous.

Mort du Général Battesti (5) ; invité à aller priser près de son lit, maison Neuville. Visite à l'ambulance du Frère A. Honoré (Capucin) chez les Soeurs de St Vincent de Paul. Crépitement de mitrailleuses le soir, vers 8 heures. Coucher au sous-sol.

Cadinal Luçon dans Journal de la guerre 1914-1918, éd. Travaux de l'Académie nationale de Reims

(5) Le général Battesti commandait la 52e Division d'Infanterie de Réserve. Il a été tué par un éclat d'obus dans les tranchées du secteur "Rue de Cernay-Cimetière de l'Est". La maison Neuville où son corps a été déposé est sans doute celle de Maurice Neuville, 8 rue de Betheny (en 1914, il existait trois maisons Neuville à Reims, sans compter l'usine du Faubourg de Vesle). Le général Battesti a une rue à son nom à Reims

Tag(s) : #Famille Dorigny, #Paul Hess, #Cardinal Luçon, #témoignages, #1914
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